I am sorry for your lost [Libre]

Elle n'était pas revenue à Providence depuis des années, et elle ne s'imaginait pas revenir et venir en premier lieu au cimetière de la ville. Vêtue d'une robe noire très simple, relativement courte avec de hauts escarpins noirs, Faith avait laissé ses cheveux détachés qui tombait le long de ses épaules, en cascade. Elle portait également un long manteau noir et s'avançait près de la tombe de son amie décédée avec un bouquet de fleurs. Elle avait encore du mal à croire au décès de son ami. Faith avait difficilement envie de continuer mais elle savait qu'elle devait y aller, qu'elle devait le faire. Mary était une de ses amies, et même si elle avait été peu en contact ses dernières années, elles avaient partagés toutes deux des moments inoubliables et formidables. Prenant un bol de respiration, elle arriva sur la tombe de son amie et déposa doucement les fleurs. Elle toucha sa tombe du bout des doigts avalant sa salive avec difficulté. Son regard erra dans le cimetière, et elle ressentit une étrange sensation de vide et d'abandon. Le cimetière était vide, calme, il y avait presque un ressentiment serein qui survolait à travers cet endroit triste.

Faith se recula, puis reposa ses yeux sur la pierre tombale de son amie. Elle y lut son nom et l'inscription inscrite dessous. Faith se rappela alors que son amie était mariée. Elle était tellement jeune, c'était injuste. Se reculant un peu plus, elle aurait eu envie de rester plus longtemps mais affrontée ça toute seule la chagrinait. Faith passa une main dans ses cheveux, comme à son habitude, et Faith ferma un instant les yeux, s'abandonnant complètement. Des images apparaissaient comme nette devant ses yeux, des images de Mary et d'elle, à l'université. Un sourire naissait sur le visage de Faith puis des larmes coulèrent le long de ses joues...

Trois fois par semaines. Ça n’était pas moins de trois fois par semaines qu’il se rendait dans ce lieu de recueillement. Au début l’atmosphère était toujours très lourde. Il lui avait été difficile de rester plus de quelques secondes devant sa sépulture. Aujourd’hui, quatre mois après le drame, la souffrance était toujours pareille à l’identique sauf qu’il se faisait à la situation. Du moins, en apparence car il n’était pas encore prêt à aller de l’avant. Ce qui comptait était ce qu’il faisait. Il errait dans le loft où il venait de déménager deux mois plus tôt. Lucas lui avait forcé la main et il le remerciait silencieusement. D’une certaine façon, il fallait qu’il voit d’autre chose – même si en ce moment il vouait une admiration sans borne pour les murs vide de son loft – mais ça n’était pas à ça qu’avait songer son meilleur ami, en lui faisant changer de décor.

Depuis la mort de Mary – chose à laquelle, il ne se faisait toujours pas – il n’avait pas retoucher à l’un de ses manuscrits. Il avait besoin de temps. Pour accepter, pour barricader cette souffrance au fond de lui, s’assurer qu’elle ne referait pas surface à tout moment. Personne n’était apte à comprendre ce que sa souffrance engendrait. Des simples détails, tels que des photos, un tee shirt, son bol du petit déjeuné avec Tigrou dessus, de simples détails qui faisait son quotidien et qui ne pourrait que lui rappeler son absence. Il n’avait d’autre choix que de s’y faire mais il avait terriblement besoin d’être seul.
En cette période de la matinée, il était pratiquement sur de ne croiser personne de sa connaissance. Chacun avait leur vies et rares étaient ceux qui avait un emploi du temps dégagé. En milieu de matinée, qui oserait venir se perdre dans un cimetière, hormis lui bien évidemment. Il avait toujours besoin de lui parler, de lui dire qu’il ne tarderait pas lui aussi. En vérité, il ne se voyait pas survivre. Une fois de plus, il portait ses Ray-Ban sur son nez, dissimulait à la fois ces yeux et ces cernes noires. Son teint cadavérique en disait long comme le bras sur son manque de sommeil. Depuis 4 mois, il survivait, pouvait on lui en vouloir de n’avoir l’air que d’un fantome errant ? A quelques mètres de la sépulture, il marqua un temps d’arrêt. Personne n’était venue ses dernières semaines, du moins à sa connaissance puisqu’il venait régulièrement. D’ailleurs, il ne se genait pas pour s’occuper de l’entretien de la sépulture, même si une personne était engagé pour s’occuper de ce genre de désagrément. Un petit bouquet de rose dans les mains, il s’approcha sans bruit. A chacune de ses visite, il apportait des fleurs ou des souvenirs. Comme la fois où il était venu avec une série de lettre qu’ils avaient échangés lors qu’ils étaient dans deux université différentes. Il s’était contenté de les lire et avant de partir, même s’il était toujours malheureux, il se sentait le cœur un peu plus léger. A quelques mètre de la personne également devant la sépulture de sa femme, son regard se fit plus insistant sur cette personne. Il était clair qu’il ne la connaissait pas. Il n’avait aucun souvenir de cette personne dans sa vie ou celle de sa femme. Mais bien sur, il ne connaissait pas toutes les personnes ayant traversé l’existence de la vie de Mary. Il déglutit difficilement, et axa son regard sur la jeune femme qui dut se rendre compte qu’elle n’était plus seule. Toujours derrière ses lunettes noires, il croisa pour la première fois ses yeux. Quelque chose lui était familier chez elle, mais il n’aurait su dire quoi. Bien qu’une des premières chose qu’il distingua sur son visage fut les larmes de la jeune femme.

« - Elle n'aimerait pas vous voir pleurer… » souffla Julian du bout des lèvres, en songeant à sa femme. « Seul les bébé et les enfants y sont autorisé selon elle, car la vie regorge de bonheur et que pour ça, il suffit d’ouvrir les yeux… » rajouta-t-il après une seconde, se rappelant sans mal, le nombre de fois où Mary lui avait tenu ce discours.

Elle resta silencieuse sans rien dire, le seul moyen pour elle de pour exprimer ce qu'elle ressentait était juste de rester prêt de son amie, sans rien dire. Faith écoutait le bruit des arbres, du vent, de ses cheveux relevés par ce dernier très doucement, avec délicatesse. Des images lui venaient sous les yeux de son passé avec Mary. Un sourire s'affichait sur son visage en repensant à tous les moments ensembles. Mary était une fille surprenante, sans défauts à les yeux de Faith. Elle était douce, adorable, gentille, jolie, lorsque vous la regardiez, vous étiez éblouie par sa gentillesse et sa bonté. Faith n'avait jamais eu une amie aussi présente et attentionnée que Mary dans sa vie. Faith entendit des pas très lents se rapprocher mais elle ne voulait pas ouvrir les yeux. Faith releva les yeux remplis de petites larmes alors que son regard croisa celui d'un homme. Un homme plutôt grand, mince, avec une certaine allure, elle remarqua qu'il portait des lunettes de soleil alors que le temps était gris. Faith le fixa intensément alors qu'il écoutait le jeune homme que Mary n'aimerait pas la voir pleurer...

Elle lui adressa un regard remplit de curiosité, et baissa la tête.

"Elle disait aussi que pleurer pouvait être un bon moyen de se faire du mal. Qu'il valait mieux frapper de toutes ses forces contre quelque chose ou d'aller se défouler en faisant du sport, plutôt que de pleurer constamment parce qu'on avait mal."

souffla Faith en repensant aux paroles de Mary que cette dernière lui avait dit en rigolant et en criant à tue tête.

Faith se leva doucement, gênée. Elle regarda cet homme qui semblait peiné de savoir qu'elle avait surement une place importante dans la vie de la femme qu'il connaissait. Elle se demanda qui pouvait être cet homme pour Mary. Faith passa sa langue sur ses lèvres puis se mit devant la tombe de son amie alors que le jeune homme déposa à son tour son bouquet de fleurs. Faith nota qu'il avait rapporté à Mary, ses fleurs préférées. A ce moment là, prise d'un préssentiment inexpliquable, Faith sut.

Elle se retenait de pleurer, les larmes au bord des yeux, elle ne croisa pas le regard du jeune homme.

"Vous êtes tellement le genre d'hommes qu'elle aimait..."

Faith baissa la tête, puis releva les yeux lentement, en respirant doucement.

"Je pense que vous m'en voudriez que je présente mes condoléances...beaucoup de monde doit l'avoir déjà fait des millions de fois."

murmura t'elle difficilement.

Faith se tourna doucement vers le jeune homme.

"Moi je vous dirais juste, que j'étais une de ces personnes qui aimaient Mary."

ajouta t'elle simplement et honnêtement alors qu'une larme coulait le long de sa joue gauche.

La veille, il avait encore entendu l’un de ses innombrables discours que parler l’apaiserait. Dieu qu’il en avait marre de les entendre. Personne ne pouvait mettre des mots sur ce qu’il ressentait. Personne ne pouvait décemment comprendre l’inutilité de sa vie sans Mary. Elle était tout pour lui. Aujourd’hui que lui restait il ? Bien sur, il avait ses amis, sa famille mais personne qui ne pourrait lui apporter la moitié de ce que Mary représentait pour lui. Son bouquet entre les mains, il n’était pas rare que ses pensées s’évadent. Il se rappelait leur St Valentin qu’il avait improvisé sur la plage avec quelques bougies plantés dans le sable. A l’époque, ils avaient eu leur moment à eux. L’un était rarement sans l’autre. Ses sentiments pour elle s’étaient affirmés au cours du temps et même s’il avait eu un accès de panique le jour du mariage, il n’avait pas douté de la durabilité de leur relation.

A quelques mètres de la sépulture, il était encore dans ses pensées et ses souvenirs lorsqu’il réalisa la présence d’une jeune femme. De taille moyenne, une chevelure brune tombant dans son dos, la silhouette de la jeune femme ne lui disait rien. Son bouquet entre les mains, il en vint à croiser son regard et bien que quelque chose de familier se dégageait de son visage, ses souvenirs restaient flous. Ce fut l’instant précis où il remarqua ses larmes et machinalement les mots franchirent ses lèvres. Des mots qu’il avait entendu un bon milliers de fois dans la bouche de sa femme, avec cette intonation particulière. Chaque souvenir était une bénédiction. Régulièrement, il entendait encore sa voix ou sentait sa présence. Néanmoins, il était parfaitement conscient que ça n’était qu’un tour que lui jouait son imagination. Ecoutant les propos de la jeune, il se contenta de baisser la tête. Elle avait tout à fait raison. Mary était forte et n’admettait pas la faiblesse par les larmes. A ses yeux, il fallait mieux s’épuiser dans le sport plutôt que de se lamenter en pleurant. Déposant le bouquer sur la sépulture, il axa son regard sur la plaque de marbre. Elle n’avait même pas eu le temps de fêter ses 25 ans, ni même une autre St Valentin et encore moins un anniversaire de mariage. La vie était injuste et cruelle. Bien trop cruelle. Dès que Julian fermait les yeux, cette tristesse s’emparait de lui comme un raz de marée et Mary lui apparaissait des plus clairement. Il entendit alors la remarque de la jeune femme. Il ne pouvait se permettre de craquer devant elle. Devant Eden ou Lucas, ça passait encore mais pas devant une inconnue. Il parvint néanmoins à déglutir difficilement et à contrôler le tremblement de sa mâchoire puis de ses lèvres.

« Et elle a un don tout particulier pour se faire aimer. Personne n’est capable de résister à ce petit bout de femme… » admit Julian, toujours incapable d’employer le passé pour parler de Mary. C’était encore trop frais pour lui. Plus les jours passait, moins il parvenait à se dire qu’il devait passer à autre chose. Dieu sait que Mary lui avait fait promettre de vivre. Combien de fois avait elle insister sur ce point. Seulement Julian ne voyait pas les choses sous le même angle. L’idée de la trahir ou même de la remplacer un jour, le torturait. Il ne pouvait cesser d’aimer sa femme. Cette idée lui était inconcevable.

Lorsqu’elle reprit la parole, il était déjà à moitié dans ses pensées. Il passait la majeure partie de son temps ainsi. Jusqu’à maintenant personne n’avait osé lui faire la morale, enfin si, Eden s’en était bien évidemment chargé mais c’était plus par inquiétude. Son regard était toujours porté sur la sépulture de sa femme à la fin de la phrase de la jeune femme.

« - Pour être honnête… vous auriez pu être présente le jour de la cérémonie, vous auriez pu dansez pendant l’éloge à l’église que je ne me serais aperçu de rien. Mes souvenirs sont limités… la seule chose que je voudrais changer et que je ne peux pas, c’est qu’elle n’est plus là… » Admit Julian, alors que la boule qui se formait dans sa gorge lui donna à nouveau cette impression de ne pouvoir respirer. Une fois de plus, il dut fermer les yeux derrière ses lunettes pour empêcher des larmes d’affluer au bord de ses long cils. Ce fut le moment où il sentit son regard. A vrai dire, il aurait préféré disparaitre sous terre plutôt que de ressentir à nouveau cette vague de souffrance. Les mots de la jeune brune le terrassa et il dut faire un effort pour ne pas s’écrouler devant elle. « Merci… » furent les seuls mots qui franchirent la barrière de ses lèvres dans un chuchotement presque inaudible. « Elle est touché que vous soyez là. Elle nous entend et je jurerais qu’elle est en train de s’amuser comme une folle sans moi ! » rajouta Julian dans un murmure, en sachant combien cette dernière année avait été difficile à cause des sacrifice qu’elle avait du faire à cause de sa maladie. Tournant enfin la tête vers la jeune femme, il parvint à formuler dans un murmure : « Je suis Julian… »

Elle ne savait pas trop comment gérer tout ça. Le fait d'être avec son mari en cet instant signifiait beaucoup pour Faith. Elle n'avait jamais oser faire le moindre pas vers lui, peut être par peur...Faith lui parla doucement, elle ne faisait pas vraiment attention à ce qu'elle disait, tout venait tout seul. Elle esquissa un petit sourire alors que le jeune homme lui dit que Mary se faisait toujours aimé de tous. Faith baissa la tête, se souvenant combien tout le monde l'aimait pour tout ce qu'elle faisait pour les autres. Mary était une vraie personne, une fille bien. Le jeune homme semblait touché par les propos sincères de Faith, cette dernière se retourna vers lui alors qu'elle entendit un petit "merci" sortant du bout des lèvres. Elle lui adressa un sourire très simple.

Le jeune homme continue en ajoutant que Mary serait heureuse de la savoir ici pour elle; Faith baissa la tête, se reprochant son manque d'absence pour son amie. Il rajouta qu'à l'heure actuelle il était certain que Mary s'amusait comme une folle. Faith lui sourit doucement.

"Oui, ça m'étonnerait pas non plus. Elle adorait danser, faire la folle...Elle était humaine. C'est difficile à croire pour d'autres mais Mary était certainement la personne la plus vraie qui puisse exister. Elle détestait que je lui dise qu'elle était parfaite..."

Faith sourit lentement en baissant les yeux alors qu'un petit vent vint soulever ses cheveux sur son visage. Elle les retira d'un geste avec la main et se tourna vers le jeune homme qui se présenta. Faith lui répondit simplement avec un sourire.

"Je suis...une amie de Mary. On s'est rencontrés à l'université...On était dans la même chambre."

Elle ne savait pas trop pourquoi elle désirait ne pas se présenter à lui, surtout maintenant qu'elle avait en face. Faith recula très doucement, et posa une main sur le bras de Julian, hésitante.

"J'espère que...j'espère que vous irez bien. On doit certainement vous harceler pour vous demander si vous allez bien. Il vous faudra surement du temps, mais ne cessez pas d'être triste pour faire plaisir aux autres."

ajouta simplement Faith en souriant doucement.

Faith s'avança doucement vers la sortie, préférant le laisser seul.

Parler était sensé l’aider à aller mieux ? C’était ce que tous lui répétait comme un mantra. Sauf que ça n’était pas son avis. Cette souffrance habitait en lui comme un maladie incurable. Tous pourraient dire qu’ils s’en remettra un jour, qu’il parviendra à passer à autre chose, qu’en rencontrant d’autres personnes il réalisera que la vie lui offrait la chance de renaître. Lui ne voyait pas ça. Son esprit était focalisé sur Mary et rien ne semblait capable de l’y déroger. Ces dernières semaines, il avait songé à sa promesse. Elle tournait dans son esprit comme un virus qu’il ne parvenait à exterminer. Mary avait toujours fait les choses bien. En apprenant sa maladie, elle avait sut qu’elle ne s’en sortirait pas. Ainsi, une sorte de plan c’était dessiné dans son esprit et elle avait commencé à l’exécuter vis-à-vis de son mari. Elle l’aimait et ça avait été l’unique raison qui l’avait poussé dans cette direction. Julian n’avait rien oublié de toute cette année. Cependant, il estimait que tout était encore trop récent. Mary méritait qu’on se souvienne d’elle. Julian refusait l’idée de ranger dans un tiroir de son esprit, tout ce qui lui rappelait sa femme. Quatre mois uniquement c’était écoulées alors qu’ils avaient vécu des années de bonheur. Il ne pouvait ainsi ranger tous ses souvenirs et ses sentiments dans un tiroir. Il préférait encore ressentir cette souffrance plutôt que de faire face à la réalité, et admettre qu’elle ne serait plus là à jamais.

La présence de cette jeune femme ne le dérangeait pas outre mesure. A vrai dire, une part de lui n’était pas mécontent. Finalement d’autres personnes que lui pensait encore très régulièrement à elle. Il était touché de s’apercevoir que sa femme n’était pas oublié. Lui ne l’oublierait jamais. C’était impossible. Sans même connaître cette jeune femme, il sut qu’elle avait été marqué par Mary. La décence de la jeune femme, la douceur qui émanait d’elle en disait long. Elle n’était pas seulement touché par les évènement, elle en souffrait. Certes il y avait les larmes mais comme chez lui, il sentait qu’elle éprouvait une peine toute aussi profonde. Partageant des souvenirs, il était convaincu de savoir qui était cette jeune femme. Mary savait se faire aimé, elle connaissait bien du monde mais son cercle d’ami était restreint. Tout le monde avait été choqué d’apprendre son décès. Si peu de personne l’avait su. Elle ne souhaitait pas cet personne dévisagé et observer avec pitié. Ainsi, peu de personne avait su la vérité sur son état. Et cette jeune femme ne l’avait pas su. Il n’avait fait aucun reproche à Mary vis-à-vis de cette décision. Il ne la comprenait que trop. Tout ce qu’elle souhaitait, se résumait à que les gens garde un bon souvenir d’elle. Cette fille joyeuse, pleine de vie, de répartie, d’humour et de gentillesse. A ses propos, il aurait presque eu le cœur à sourire de sa remarque. Mary était unique et il ne désespérait pas à l’idée qu’un jour ses hallucinations se matérialise. Néanmoins, il était également conscient que ce jour ne se produirait jamais. Croisant le regard de la jeune, il ne put s’empêcher d’ancrer ses yeux au fond des siens, tout en murmurant ses paroles.

« Pourtant Dieu sait qu’elle l’est. Elle n’a jamais cessé de me disputer, soit disant parce que je ne savait pas assortir mes vêtements. Il ne doit pas exister deux personnes comme elle, sur Terre… elle déborde de vitalité que ça m’en donne le tournis. Tout le monde mérite d’avoir une personne comme elle dans sa vie… »

La jeune femme n’avait pas honte de lui sourire. Pour soulager sa souffrance ou simplement pour lui faire comprendre qu’elle aussi connaissait ce sentiment. Rare étaient ceux qui acceptait ses propos sans lui faire la morale. A croire que c’était une habitude dorénavant. Il était devenu renfermé. Il ne sortait presque plus de chez lui mais il prenait néanmoins, le soin de venir trois fois par semaine dans ce lieu de recueillement. Il ne cachait pas réellement sa souffrance, elle cohabitait simplement en lui.
En se présentant, Julian savait d’avance que la jeune femme mettrait une distance. Les personnes ne savaient comment agir à son égard. Il était peut être dépressif et malheureux mais il n’était pas idiots. Dans de pareilles situations, les gens pouvaient se révélés maladroits. Ce n’était pas le cas de la jeune femme. La fin de sa phrase – sur le fait qu’elle ait partagé la même chambre d’université que Mary – le renseigna. Ainsi c’était elle. Il aurait presque eu envie de la prendre dans ses bras. Cette amie dont Mary ne cessait de parler et qu’il ne connaissait pas. C’était un sentiment étrange. Car la jeune femme ne souhaitait pas s’étendre sur le sujet mais en même temps, il aurait surement eu la même réaction. A cet instant, il sut qu’il devrait trouver un jour le moyen de la remercier pour sa visite et pour ne pas avoir oublier sa femme.

D’un hochement de tête, il resta silencieux à ses propos. Si elle ne souhaitait pas lui révéler qui elle était, c’était son choix. Néanmoins, il espérait qu’elle ne quitterait pas Providence, car à cet instant Julian réalisait qu’elle était la seule personne qui n’avait pas hésité à partager ses souvenirs. Encore aujourd’hui, c’était une chose essentielle. Ne jamais oublier. Ressentant la pression des doigts de la jeune femme sur son avant bras, son regard vint s’ancrer au sien, incorporant chaque mot dans son esprit. Son regard sincère et doux le convaincu que cette fille ne pouvait qu’être amie avec Mary. Elle possédait également cette gentillesse, cette bonté et cette grandeur d’âme qu’il n’avait jamais vu que chez une seule personne, sa femme.

« - Je tâcherais de m’en rappeler… » souffla-t-il en réponse aux propos de la jeune femme qui lui adressait ce mince sourire. Se détournant et commençant à s’éloigner, il souffla assez fort pour qu’elle l’entende. « Elle ne voulait pas vous voir souffrir… Faith. » rajouta-t-il en se rappelant combien, Mary avait été catégorique lorsque Julian l’avait quelque peu forcé à en parler à ses amies les plus proche. Elle souhaitait voir ses amies heureux, équilibré et poursuivre leur vie, donc révéler son état venait à condamner ce bonheur dans lequel chacun vivait. Bien qu’elle s’était éloignée, il aperçut la jeune brune se stopper au milieu de l’allée bordée de pierre marbrées.

Elle avait sa propre vision des choses, peut être parce qu'on lui avait également arraché la seule personne qu'elle a aimé plus que n'importe qui. Faith savait ce que c'était d'avoir mal, d'avoir cette envie de partir avec la personne qui vous a laissé, de vous vouloir se laisser partir également. Il ne fallait pas être un voyant pour voir combien Julian avait mal, après tout, Mary était sa femme et leur avenir n'était plus à partir du moment ou Mary avait cessé de rester sur terre avec lui. Elle avait tendance à détester les cimetières, un peu comme tout le monde, direz-vous. Faith était encore une très jeune femme, elle n'avait même pas vingt cinq ans, et il fallait encore qu'elle vive des choses mais pour elle, sa vie s'était arrêtée il y a longtemps maintenant. Au fond, elle n'aimerait pas voir Julian poursuivre comme elle, cesser de croire à l'espoir, à la vie, à l'amour...Mary ne l'aurait jamais supporté c'est vrai, mais il fallait qu'il cesse de pleurer, seul.

Elle ne savait trop pourquoi elle ne lui avait pas donné son identité, peut être parce qu'elle ne risquait pas de s'éterniser à Providence même si sa famille était ici. Faith ne savait pas...Elle préféra s'excuser auprès de Julian, puis partit lentement, ses mains qui tenaient son long manteau noir.

Faith entendit cependant Julian lui dire quelques mots sur Mary, et l'appela alors par son prénom. Elle esquissa un sourire en se retournant.

"Elle n'aimerait pas vous voir souffrir, non plus."

Faith haussa les épaules, hésitante à partir en le laissant tout seul. Elle se sentait déjà proche de lui, dans le sens ou ils connaissaient tous deux la même douleur même si Julian ne savait rien à propos de ça.

"Je crois qu'il est inutile de continuer à se faire du mal, en sachant qu'on est détruit tous les deux parce quelque chose, quelqu'un."

souffla Faith

Faith leva les yeux vers lui en se rapprochant.

"La vie est tellement bizarre. Tout ce que je peux vous conseiller, c'est de ne pas rejeter les personnes qui sont là pour vous, même si dans un sens, aussi horrible soit-il, elles veulent vous enlever votre chagrin."

Faith haussa légèrement les épaules, mal à l'aise.

"Je veux pas que vous me preniez pour une sorte de filles qui se mêlent des histoires des autres, c'est difficile à dire mais -"

Faith baissa la tête, articulant difficilement.

"Disons que, je sais ce que c'est que de perdre l'amour de sa vie..."

Julian avait pour lui cette sincérité inébranlable. Il ne disait jamais rien qu’il ne pensait pas. On le trouvait généralement gentil, avenant, toujours polit, sincère et bon. Il y avait évidemment sa force de caractère et ces défauts qui pouvait tout aussi bien être des qualités mais on ne discernait jamais rien de mauvais en lui. Il pouvait même apparaitre comme un ange aux yeux de certaines personnes. Combien de fois avait il rit avec Lucas de cette métaphore ? Mais tout ça était bien loin. Il n’avait pas rappeler Lucas depuis plus d’une semaine. D’ailleurs il ne serait pas surprit de le trouver chez lui en rentrant. Passez à l’improviste pour s’assurer que son meilleur ami n’ait pas fait une bourde ressemblait assez à Lucas. Avant ça, il avait encore besoin de temps ici. Avec elle. La conversation avec la jeune femme s’écourtait, d’ailleurs il était touché de sa façon dont elle s’éclipsait avec grace et mystère. Elle ne lui avait pas révélé son identité et pourtant, il ne lui fallut que quelques minutes pour en déduire la personne qu’elle était. Honnêtement, il ne savait pas si Faith en voulait à Mary d’avoir garder le silence sur sa maladie ou si Faith s’en voulait d’avoir attendu si longtemps pour venir. A vrai dire, Julian ne savait que penser de la jeune femme. Lui-même était obnubilé par l’absence de sa femme, qu’il lui était difficile de se concentrer sur autre chose. Lorsqu’il s’adressa à elle en murmurant son prénom et qu’il la vit se retourner avec ce petit sourire sur les lèvres, il devina sans aucune difficulté ce que Mary avait toujours su apprécier chez Faith. Sa remarque le toucha. Elle était la première avec autant de sincérité. Pas qu’il n’avait entendu les autres, mais il sentait qu’elle pensait ses mots et surtout qu’elle n’avait pas pitié de lui.

« - ça faisait partie du contrat… » murmura-t-il avant de répéter machinalement. « Jusqu’à ce que la mort nous sépare… »

Cette vérité était dure à affronter. C’était en partie reconnaitre qu’elle ne reviendrait plus et qu’il devait continuer à vivre, ce que Mary s’était appliqué à lui faire promettre. Pendant des semaines, il était parvenu à éluder cette conversation mais c’était croire que Mary serait incapable d’aboutir à ses fins avec lui. Il avait cédé évidemment. Parce qu’il l’aimait et qu’il voulait la voir partir en paix. Il était convaincu que si elle avait eu plus de temps, elle l’aurait poussé dans les bras d’une autre. Ce qui aurait ressemblé à sa femme. Elle n’aurait pas voulu qu’il se retrouve seul, sans épaule sur qui s’appuyer.
Discernant l’hésitation de Faith, il axa un instant son regard sur la sépulture de sa femme tout en écoutant la jeune brune lui dire qu’il ne devait pas se fermer aux personnes souhaitant l’aider, même si ces dernière veulent être présente pour lui en lui ôtant ce chagrin persistant.

« - Je ne sais pas comment être avec eux. Je sens leurs regards. J’ai l’impression qu’ils n’attendent qu’une chose… le moment où je vais m’effondrer. Ils ne comprennent pas que pour le moment j’ai besoin d’être seul. Pas parce que je ne veux pas les voir… mais parce que contrôler cette souffrance m’est insupportable. Pour eux, ça finira par passer et je me relèverais. Mais je ne suis pas sur d’en avoir envie, ni même que ça se produira un jour. Je n’en vois pas l’utilité sans elle… » expliqua-t-il très rapidement sans reprendre sa respiration. « Désolé. Désolé… je ne veux pas vous embêter avec ça. Je suis vraiment navré Faith… » répéta-t-il sincèrement, en songeant qu’il n’était pas là pour se plaindre mais pour passer une peu de temps avec la femme qu’il aimait. Il baissa alors la tête, se sentant soudainement coupable de s’être enfin aller à la confidence avec une personne. Une personne qu’il ne connaissait qu’à travers les souvenirs de sa femme.

Faith était toujours à ses cotés et lui parlait doucement. Sa voix lui faisait étrangement penser à celle de sa mère lorsqu’il était petit, quand il venait de faire un cauchemar. C’était doux et serein à la fois, le ton était apaisant. Il eut presque envie de sourire à sa remarque qu’elle n’était pas du genre à se mêler de la vie des autres. « Vous comptez beaucoup pour Mary. Elle vous estime à tel point que je me demandais si vous existiez réellement. » se lança Julian un peu mal à l’aise avant de se pincer la lèvre inférieure. « Sachez que… si jamais vous voulez parler d’elle ou de vous confier à une personne qui vous écoutera sans juger. Je serais honoré de le faire. Mary vous aime comme une sœur, n’oublier jamais ça… ne l’oubliez jamais… » rajouta-t-il, en sentant à nouveau cette boule se former dans sa gorge. A croire que dorénavant, il était incapable de tenir une conversation sans que ses émotions prennent le relais.

Elle se doutait très bien de la réaction des autres face à lui, logiquement, elles étaient normales car les gens qui l'aimaient s'inquiètent pour lui. Julian lui expliqua que tout le monde ne comprend pas cette envie d'être seul, de devoir affronter son chagrin seul et de pleurer s'il a envie. Il rajouta qu'ils pensent qu'il finira un jour ou l'autre par s'en remettre mais que lui ne voit aucune possibilité de vivre sa femme. Faith baissa la tête, hochant la tête.

"Mais dans un sens, vous savez qu'ils ont raison...mais il faut que vous le faisiez tout seul. Personne ne vous retira l'amour que vous portez à Mary...et un jour, pensez à elle vous fera sourire et pas pleurer."

Il s'excusa cependant de l'ennuyer avec ça, Faith secoua la tête lui adressant un sourire.

"Vous ne me dérangez pas. Si je peux aider, j'aide."

Faith croisa les bras contre sa poitrine, puis les lâcha. Elle croisa le regard de Julian.

"Personne ne vous demande de l'oublier, et vous ne le pourrez jamais. Mary a fait parti de votre vie, mais, ce sera difficile je le sais...puis vous vous direz que cette femme qui vous a temps apporter appartient à votre passé et qu'il faut la laisser partir. "

Elle ne voulait pas le blesser, mais quelque part, elle sentait que Julian croyait en ses paroles, même si c'était très dur pour lui d'entendre tout ça. Julian se confia sur Mary à Faith et ajouta qu'elle lui avait d'elle, et qu'elle comptait beaucoup pour Mary, Faith lui adressa un léger sourire. Julian lui dit ensuite qu'il serait content de discuter avec elle de Mary, et que Mary l'aimait comme sa soeur. Faith, émue, baissa les yeux, hochant la tête. Elle les releva très lentement croisa le regard du jeune homme. Faith remarqua alors une chose.

"Vous parlez d'elle comme si elle était toujours là..."

finit Faith, les larmes aux yeux.

Elle évita son regard, et comprit que Julian se faisait également du mal à agir ainsi. Il n'avait pas quitté sa femme, pour lui, elle devait être constamment là. Faith soupira doucement, repensant à ses actes lorsque Cameron fut parti.

Envisager sa vie sans elle était inconcevable. Ils avaient été sensé avoir toute la vie devant eux et au final, ils n’avaient pas vécu dix ans l’un à coté de l’autre. Comment était il sensé accepter la mort de sa femme en sachant que la partie le plus importante de sa vie, était partie en fumée ? Comment les gens faisaient ils pour aller de l’avant sans être rongé par la culpabilité. Le tout mêler à une souffrance indicible qu’il ne parvenait toujours pas à gérer, quatre mois après les faits. Les conseils proposé par son entourage l’irritait parce qu’il voulait lui faire oublier Mary, d’une certaine façon. Lui ôter sa souffrance était une chose mais en agissant ainsi, c’était accepter de rayer Mary de sa vie. Ce qu’il n’était prêt à faire, ni aujourd’hui, ni demain. Bien des personnes ne comprenait pas ses réactions. De par son allure, il était épuisé, manquait de couleur, s’alimentait de moins en mois, sautant des repas sans même le remarquer. Pourtant, il ne prenait le travers de certaines personnes ravagé par le chagrin. Il ne buvait pas plus que d’ordinaire. Une bière de temps en temps mais rien qui ne pourrait lui faire grand mal. Il avait maigri évidemment, ce que sa sœur ne s’était gêné de lui faire remarqué. Mais il s’en moquait, tout ce à quoi il pensait était Mary et à sa vie sans elle. Eloigner les autres de lui n’était pas pour les punir. Son souhait était uniquement de garder Mary pour lui un peu plus longtemps. Ses souvenirs, entendre sa voix, sentir son parfum fleuri, garder son essence près de lui un peu plus longtemps. Quel mal y avait il à ça ? Faith semblait tout à fait comprendre ce qu’il ressentait. Le poids des mots de cette dernière sonnait juste. Et s’il n’était pas aussi mal en point, il l’aurait embrassé sur le champ.

« - Pour eux, si je reste cloitrée chez moi c’est pour mieux m’enterrer dans ma souffrance. Ils ne comprennent pas… l’étendue que cette souffrance engendre… » souffla Julian du bout des lèvres. Il n’avait pas du tout pour habitude de parler de Mary. Etrangement, il n’en parlait pas. Il évitait le sujet, de peur de craquer devant les personne et d’être incapable de gérer sa souffrance. Mais Faith lui rendait les choses différentes, comme si elle savait. Qu’elle pouvait mettre des mots et des sentiments sur ce qu’il pouvait éprouver face à sa situation. Toutefois, il en vint très vite à s’excuser de l’ennuyer avec ça mais la réponse de la jeune femme le troubla. C’était exactement le genre de réplique que Mary aurait faite. Avait elle eu une influence sur Mary ou bien était ce l’inverse. Il secoua la tête un bref instant, évitant son regard le temps d’une très brève seconde. Fourrant ses mains dans les poches de sa veste, il releva les yeux vers elle, une question au bord des lèvres. « Et vous, qui est là… lorsque vous avez besoin de soutien ? » lança Julian comme par évidence, se doutant que si elle en savait tant sur la souffrance, ça ne pouvait être que pour la simple et bonne raison qu’elle était déjà passé par là.

Ses bras sur sa poitrine, il écoutait le vent dans les arbre, ce même vent qui s’engouffrait dans ses cheveux, qui les rabattait sur son visage et les ajustait un peu plus en bataille qu’il ne les étaient déjà. Il l’écouta alors longuement expliquer qu’un jour il serait prêt à la laisser partir, sans pour autant avait l’impression de l’oublier. Au fond de lui, il sentait que ça se passerait ainsi, Mary resterait son passé et une partie intégrante de son cœur. Mais il ressentait toujours cette crainte. Sans parler du sentiment de trahison. Et s’il rencontrait quelqu’un à nouveau ? Non, c’était inconcevable et ce, malgré la promesse qu’il avait faite à sa femme. « ça veut dire que ça n’est que le début… que cette souffrance va empirer et que seul le temps viendra à bout de toute cette peine ? » murmura Julian, tout en sachant que c’était ce qui l’attendait pour encore d’autres mois à venir.

Etrangement, alors qu’il ne la connaissait qu’à travers Mary, il se sentait à l’aise en sa présence. Pas de silence gêné ou maladroit, juste de la peine, de la souffrance et beaucoup de compréhension. Comme si leur rencontre était inévitable bien qu’elle aurait pu se passer dans bien d’autres circonstances. Lui confiant une des confidences de sa femme vis-à-vis de Faith, Julian en profita pour lui dire qu’elle pouvait compter sur sa présence, si jamais elle voulait parler à quelqu’un en toute confiance. Il la vit alors baisser les yeux, comme ému par ses propos avant de finalement lui faire remarque que pour lui, Mary était toujours vivante. Il se pinça les lèvres et tourna la tête vers la sépulture durant de longues secondes.

« - parce que d’une façon ou d’une autre, elle est toujours avec nous… » confessa-t-il sans parvenir à quitter la plaque où était incrusté le nom de sa femme. La souffrance éprouvé était une chose difficile à gérer, l’absence en était une autre, la culpabilité de survivre se rajoutait à toutes les autres souffrances. Il y avait toutes ces fois, où il voudrait juste disparaitre parce que rien ne le retenait sur Terre. Sa famille s’appliquerait à ce qu’il ne sombre plus mais la douleur qu’il éprouvait était sans fin. S’il le décidait, personne n’aurait la force de le convaincre de ne pas la rejoindre. Après tout, peut être sa destinée était elle de rejoindre sa femme ? A moins qu’un ange lui soit envoyé pour l’aider à retrouver son chemin, celui qui le sauverait de ses démons intérieurs, contre lesquels il avait justement envie de céder à cet instant. Il tourna alors la tête et croisa son regard voilé d’inquiétude, de compassion et de souffrance. Peut être sa souffrance pouvait elle être partagé et qu’il n’était pas le seul à la ressentir aussi violemment. « Comment vous avez réussi… à avancer ? » souffla Julian du bout des lèvres, se rappelant les mots Faith un peu plus tôt concernant la perte de l’homme de sa vie.

Faith écouta Julian se confier à elle, elle l'appréciait déjà, il était triste mais tellement calme et il l'apaisait dans un certain sens. Faith l'écouta dire que peu de gens comprennent ce qu'il ressent et combien sa souffrance lui pèse et lui fait mal. Elle leva la tête en se reculant, il passa ses mains dans ses poches alors qu'il lui demanda qui était présent dans sa vie comme soutien. Faith sourit doucement haussant légèrement les épaules.

"J'ai pas eu la même chance de toi, d'avoir des amis et de la famille près de moi lorsque c'est arrivé...c'est sans doute pour ça que je reviens à Providence..."

Elle ajouta ça simplement en croisant son regard, Faith remarquait le comportement de Julian qui ne semblait pas vouloir laisser sa femme partir. Julian demanda alors à Faith si la souffrance qu'il ressentait, allait s'accroitre et que seul le temps l'aiderait. Elle baissa les yeux.

"Seul le temps vous guérira, mais, le soutien des autres aussi, et il faut que vous mettiez dans la tête que Mary ne reviendra jamais. C'est possible. Il ne faut pas le nier, ça vous rendra encore plus malheureux, mais ne nie pas que vous avez mal."

Faith remarqua que Julian parlait de Mary encore au présent, leurs regards se croisèrent. Julian lui répondit doucement que dans un sens, elle était toujours là. Faith lui sourit doucement.

"Avant surement, mais je suis sûre qu'elle est partit, elle vous a laissé avec tous ces personnes qui vous aiment et même si elle savait que ce serait dur pour vous, elle a décidé de ne plus se battre et de vous laisser...ce n'était pas un abandon, elle savait que vous vous en sortirez."

Elle essayait de l'aider du mieux qu'elle pouvait, elle savait ce qu'il ressentait. Julian lui demanda alors comment est-ce qu'elle était parvenue à avancer. Faith passa une main dans ses cheveux, en baissant la tête.

"Ce n'est pas la même douleur. Ma douleur est différente, dans le sens ou je n'ai pas perdu mon mari."

Faith ne préféra pas entrer dans les détails, et soupira doucement.

"J'ai eu mal, j'ai encore très mal, j'ai perdu espoir pour nous...mais je dois survivre."

Elle lui adressa un sourire triste en secouant la tête, puis finalement, elle s'écarta lentement.

"Je pense que je ferais mieux de partir maintenant. J'ai été ravie de te rencontrer, Julian, j'aurais aimé que ce soit dans d'autres circonstances..."

Quatre mois comme dans son cas pouvait ressembler une éternité. Mais l’éternité pouvait elle se mesurer ? Cette discussion avec Faith, lui faisait entrevoir en partie le chemin qu’il aurait à parcourir dans les semaines et mois à venir. Rien de bien réjouissant mais au moins, il prenait conscience que cette souffrance s’estomperait un jour. De la volonté, c’était ce qu’il lui fallait. Bien des personnes de son entourage étaient prêtes à l’aider, à trouver cette force de dépasser cette souffrance mais lui n’y était pas prêt. Chaque mots articulé par Faith ne lui donnait pas cet impression qu’elle disait ça pour lui faire plaisir, ou pour qu’il garde espoir en la vie. Elle lui semblait juste, comme si elle parlait de sa propre expérience. Les mains au fond de sa veste, il l’écoutait attentivement avant qu’une question insidieuse lui apparaisse. A nouveau, il croisant ce petit sourire rassurant qu’elle lui adressait de temps à autre. Sa compagnie n’avait rien de dérangeant, bien au contraire. Elle était mystérieuse mais semblait en connaître long sur cette souffrance. Touché par ses propos, il resta silencieux un long moment. S’excuser n’y changerait rien. De quoi pouvait il s’excuser d’ailleurs. Il s’agissait du passé de Faith et personne ne pourrait le modifier. Se pinçant les lèvres, il en vint à murmurer songeant à leur discussion.

« - Je devine que je devrais les recontacter… même si je n’en éprouve pas l’envie. Leur montrer que je suis toujours là, même si je n’ai pas spécialement envie de les voir… juste les rassurer que je ne me suis pas encore creuser ma propre tombe… »

Parfais les gestes comptait plus que les mots, et en d’autres circonstances, les mots devenaient inutiles. Comme à présent alors que Faith semblait prendre conscience de quelques détails concernant l’attitude de Julian, elle était tout aussi troublé par sa souffrance. Il écoutait attentivement ce petit bout de femme qui respirait le calme et la douceur.

« - j’ai peur d’oublier le couple qu’on a formé, son parfum, sa voix, sa façon qu’elle avait de ronchonner parce que j’avais mal nettoyé la salle de bains ou parce que j’avais oublié de passé l’aspirateur dans le salon… tout ce qui faisait qu’on était un couple heureux. En perdant ça, j’aurais l’impression de n’être plus rien. Comme si ces années n’avaient jamais existé… mais je sais qu’elle n’est plus là et qu’elle ne reviendra pas. Tout comme elle n’aimerait pas me savoir seul pour affronter ça… » s’exprima Julian, le regard perdu dans le vide, l’image de Mary venant danser dans son esprit.

La douleur qui le traversait accompagné des mots de Faith, le rendait encore plus vulnérable. Dans un sens, il aurait voulu se fondre sous terre et disparaitre à tout jamais. C’était une solution de facilité et il n’en avait pas réellement le droit. Mary s’était battu pour lui. Elle avait obtenu un sursis, même désormais elle n’était plus là. Il devait lui aussi se battre, quoi qu’il en coute. Cette épreuve était douloureuse mais pas insurmontable. Eden, Lucas, ses parents, Sophie, Warren et peut être Faith serait présent pour l’aider, alors pourquoi ne pas essayer. Que risquait il de perdre en tentant l’expérience ? « Et si elle se trompait ? Je ne suis qu’un homme. La perdre est l’évènement le plus dur qu’il m’a été donné de vivre. Comment on est sensé se relever et avancer, tout en sachant que c’est tirer un trait, tourner la page sur une partie de notre existence ? Et comment sait on qu’on est prêt . ça fait 4 mois et j’ai la sensation que la dernière fois que j’ai entendu sa voix, son rire, ses murmures remontent à une éternité… »

Peut être allait il trop loin. Peut être se tourmentait il trop, y songeait il trop. Ainsi, il s’autodétruisait sans même le réaliser. Faith qui était encore près de lui, tentait de lui apporter cet apaisement et des réponses mais il n’en était pas complètement satisfait. Il se faisait du mal et se refusait à accepter que sa vie était entre ses mains. Que Mary présente ou non, n’y changerait rien. Qu’il n’avait plus d’autre choix que de continuer, même si cette idée le terrorisait. Il avait construit sa vie autour d’elle et maintenant qu’elle était partie, il ne savait plus par où commencer. Ni même n’en ressentait l’envie. Entrecoupé de quelques silences, il écoutait Faith lui confier qu’elle devait survivre, même si elle souffrait toujours de l’absence de cet être qui lui était si cher. Il appréciait sa présence bien plus que toute celle qu’il avait eu autour de lui ses derniers mois. Peut être justement parce qu’elle n’essayait pas de lui remonter le moral avec ses leçons de psy de bas étages qu’on pouvait entendre à la télévision ou encore à la radio. Elle se servait de ce qu’elle avait enduré, ce qui rendait inévitablement ses propos tout de suite plus véridique. Tandis qu’elle commençait à s’éloigner, il réalisa combien Mary savait s’entourer de bonne personne. Et Faith en faisait inévitablement partie.

« Encore merci Faith… pour Mary et… pour être simplement là. » fit il après un silence, en l’observant s’éloigner. Il allait devoir reprendre sa vie en main, même s’il ne savait par où commencer à cet instant précis.

Se reconstruire, revoir certaines personnes, faire le tri dans les dernières affaires de sa femme qu’il avait souhaité gardé. Tout ça lui apparaissait comme une montagne de travail sur lui-même, mais dorénavant, il n’avait plus le choix. Faith le lui avait bien fait comprendre. Il devait vivre, c’était son destin et ça n’était pas parce qu’il avait perdu sa femme, qu’il était voué à être malheureux toute sa vie. Ouvrir les volet de son loft et rappeler, Lucas et Eden serait un bon début. Oui, il allait commencer par ça.

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